Caves de la Chartreuse à Voiron (38)

Les liqueurs Chartreuse tiennent leur nom de l'Ordre des chartreux, qui tire le sien d'un lieu où Bruno et ses six compagnons décidèrent de s'installer en 1084 : le "désert" de Chartreuse. Ils érigent un monastère dans ces montagnes pour y vivre en prières et contemplation. Autosuffisants, ils trouvent des moyens de subsistance dans leur environnement proche : élevage, pêche, exploitation des forêts, maîtres de forges. D'autres monastères suivant la même règle voient le jour en Europe. Saint Louis demande aux moines de fonder un monastère à Vauvert, en lisière de la capitale. La "Chartreuse de Paris" est entourée de jardins et de pépinières qui favorisent l'intérêt des moines pour l'art de la pharmacopée. Ils rencontrent le médecin et théologien Arnaud de Villeneuve et son élève Raimond Lulle qui sont célèbres pour leurs études sur les plantes médecinales. Les moines mettent alors au point plusieurs élixirs de jouvence, appelés eaux-de-vie, qui sont utilisés pour leurs vertus thérapeutiques. En 1616, une apothicairerie est construite à Vauvert mais les moines n'arrivent pas à trouver l'équilibre parfait pour leur élixir. En 1737, le manuscrit sur lequel figure la recette de l'élixir est transféré à la Grande Chartreuse. Frère Bruno et frère André vont alors développer une nouvelle formule. A leur mort, frère Jérôme Maubec parvient, en 1755, au résultat final avec un remède à 71°. Frère Antoine Dupuy améliore la formule et le produit obtenu n'est plus rouge mais un peu verdâtre. En 1764, le procédé et ses sept opérations successives font l'objet d'un nouveau manuscrit "Composition de l'Elixir de Chartreuse". A la fin du XVIIIème siècle, l'élixir est proposé sur les marché de Grenoble et de Chambéry et chez quelques dépositaires locaux. La Révolution française de 1789 sonne le glas de la production. En 1792, les moines sont chassés de la Grande Chartreuse et de tous les sites qu'ils occupent en France. Le manuscrit passe de main en main. En 1800, Pierre Liotard, ancien pharmacien de la Chartreuse, le récupère et le garde précieusement jusqu'en 1835. En 1816, par ordonnance royale de Louis XVIII, les chartreux sont autorisés à regagner leur monastère dévasté. Les moines s'emploient à produire de nouveau l'élixir. A partir de 1825, un nouvel "Elixir de table ou de santé" est développé. Cette nouvelle liqueur de 60° a des vertus médecinales qui aident à lutter contre l'épidémie de choléra qui frappe la France et l'Europe en 1832. En 1835, les moines récupèrent leur manuscrit contre 3 000 francs auprès de la veuve de Pierre Liotard. En 1838, une liqueur de Mélisse est mise au point. Elle est de couleur blanche. Parallèlement, un autre assemblage plus doux et à la couleur jaune pâle voit le jour. En 1840, on distingue désormais la Chartreuse Jaune et la Chartreuse Verte. Leurs ventes deviennent le revenu principal du monastère. La renommée des liqueurs grandit rapidement à tel point que les contrefaçons se multiplient obligeant les moines à conditionner leur liqueur dans des bouteilles spéciales avec étiquettes et cachets. En novembre 1852, la marque est déposée. En 1864, la distillerie est transférée à Saint-Laurent-du-Pont et un lieu d'entrepôt et d'expédition est installlé à Voiron. En 1902, en raison d'une politique peu favorable aux ordres monastiques, la production est transférée à Tarragone en Espagne. Le liquoriste Cursenier récupère les droits sur la marque et crée la Compagnie Fermière de la Grande Chartreuse mais la "Liqueur fabriquée à Tarragone par les Pères Chartreux" est inimitable. En 1921, les Pères Chartreux ouvrent une nouvelle distillerie à Marseille ce qui leur permet de relancer leurs ventes en France. La Compagnie Fermière fait faillite en 1929. La Compagnie Française de la Grande Chartreuse, gérée par les moines, récupère sa marque. Après quatre années de travaux, la production reprend à Saint-Laurent-du-Pont mais, en 1935, un glissement de terrain emporte les installations. La production reprend quelques mois plus tard à Voiron. En espagne, la guerre civile et le bombardement de la distillerie en 1938 mettent en difficulté l'activité de Tarragone. La Seconde Guerre mondiale est une période difficile et il faut attendre la Libération en 1945 pour que les ventes reprennent. A partir de 1950, les chartreux font évoluer l'image de leurs liqueurs et, grâce à une forte dynamique publicitaire, renouent avec la croissance. En 1966, les caves de Voiron sont agrandies pour faire face à la demande. Elles mesurent 164 mètres de long et on se presse pour visiter "la plus longue cave à liqueurs du monde". Au début des années 1980, les liqueurs de la Chartreuse démodées subissent une crise majeure. Les ventes de Chartreuse Verte s'effondrent. Il faudra deux décennies aux chartreux pour relever la marque. Les site de Tarragone est fermé en 1989. En août 2018, la distillerie d'Aiguenoire est inaugurée au coeur du massif de la Chartreuse. En 2022, le site des caves de la Chartreuse à Voiron devient le lieu de culture et d'histoire de la Chartreuse.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Voiron fut historiquement le siège du comté de Sermorens, domaine situé au débouché de la cluse de l'Isère, au pied du massif de la Chartreuse et à l'extrêmité du diocèse de Vienne. Cette région frontalière entre le Dauphiné et la Savoie fera l'objet de nombreux conflits (1150 - 1350) entre les comtes de Savoie et les dauphins de Viennois. Le Voironnais est rattaché au Dauphiné en 1355 et devient alors définitivement français. Ville industrielle (chocolaterie, tissages, skis Rossignol depuis 1907, jouets Gueydon dont est issue l'enseigne King Jouet) et agricole (côteaux du Grésivaudan), elle compte aujourd'hui un peu moins de 22 000 habitants.
L'église Saint-Bruno date du XIXème siècle. C'est un monument de style néo-gothique s'inspirant des cathédrales du XIIème siècle.
 
 
 
 
 
 
La fontaine de la place d'Armes est située face à l'église Saint-Bruno au pied et fut érigée en 1826 par le maire Hector Denantes.
 
 
Mes commentaires:
Visite assez intéressante qui se termine par une dégustation de Chartreuse Verte et de Chartreuse Jaune. Le secret de la liqueur aux 130 plantes est jalousement conservé au point d'interdire les photographies pendant la visite du musée et des caves.